Le bocage du nord-ouest de la France est un allié précieux face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Les arbres de ses haies rendent de multiples services : ils modèrent les températures, protègent les cultures du vent et de la sécheresse, préviennent les villages des inondations en retenant l’eau dans les sols… Autant de services environnementaux qui profitent à la collectivité, mais dont le coût de gestion repose presque uniquement sur les agriculteurs.
Séparant les parcelles, parfois doublées de talus et de chemins creux, les haies sont pourtant perçues par certains agriculteurs comme des obstacles qui gênent et ralentissent le maniement des machines. L’entretien des haies demande du temps et de l’argent [lire le volet 1]. Pour les garder debout, il faudrait que les agriculteurs soient plus nombreux, et plus aidés.
Depuis plusieurs semaines, un mouvement social agricole secoue le pays. Pour une partie des agriculteurs mobilisés, la protection des haies est une cible symbolique. Gabriel Attal, poussé à réagir, a annoncé une simplification de la réglementation, grâce au projet de loi « pour une agriculture souveraine ».
Pourtant, malgré la réglementation existante, le bocage continue de se dégrader [lire le volet 2]. À un rythme qui surprend même des chercheurs. En cause : l’intensification du modèle agricole et l’agrandissement des parcelles, documentés à travers les cinq volets de notre enquête.
Le bocage régresse en Bretagne
En Bretagne, aucun document public ne recense toutes les haies arrachées. Splann ! les a notamment identifiées dans une partie du Trégor, au nord-ouest du pays. Et le constat est sans appel : au total, 159,2 km de haies ont disparu entre 2003 et 2023. Or, le bocage joue un rôle structurant de ce point de vue : meilleure infiltration des eaux pluviales dans les sols, régulation du débit des rivières et limitation de leur teneur en polluants [lire le volet 4].
Cette zone concentre plusieurs symboles de la lutte pour la qualité de l’eau. Tout d’abord, elle contient des zones très urbanisées et un bocage encore particulièrement dense. Le Léguer, qui y prend sa source et y rejoint la mer, est la seule rivière bretonne labellisée « rivière sauvage », pour sa partie en amont. Enfin, le territoire est concerné par la problématique des algues vertes dans la baie de Saint-Michel-en-Grève.
Certains arrachages de haies ont pu être déclarés et « compensées » par une nouvelle plantation, mais il est difficile de savoir combien exactement et si la nouvelle plantation a bien survécu.