En Bretagne, des projets éoliens se développent dans des zones boisées et bocagères, souvent proches des habitations, suscitant l’inquiétude d’associations et de riverains. Cet essor dans des territoires jusque-là épargnés crée de fortes tensions. Zoom sur un petit territoire des Côtes-d’Armor.
Le Dresnay, à Loguivy-Plougras (22), est un hameau situé dans une zone bocagère préservée, avec de nombreuses zones humides. Ce corridor écologique, identifié par le schéma régional de cohérence écologique (SRCE), relie deux massifs boisés d’intérêt écologique notable, les forêts de Beffou et de Coat-an-Noz. Dans un rayon de 800 m autour du bourg, trois projets éoliens sont à l’étude.
Des risques de mortalité faunistique
Dans un avis rendu en août 2020 au sujet du projet le plus avancé, celui de Parc Ar Hoat, la Mission régionale de l’autorité environnementale (MRAE) juge que « le choix d’un site présentant des enjeux et sensibilités aussi fortes, s’il devait être maintenu, nécessite de la part du porteur de projet plus de garanties sur la maîtrise des impacts ». La MRAE constate aussi que « les éléments du dossier et les mesures prises ne garantissent pas un niveau d’impact faible sur l’avifaune compte tenu encore une fois du rôle corridor du site ». Elle fait le même constat pour les populations de chauve-souris.
Une source d’inquiétude pour le Groupe mammalogique breton (GMB) qui observe une explosion des projets éoliens dans des zones boisées ou bocagères, où habite cet animal nocturne protégé. Thomas Dubois, salarié du GMB 22, déplore des mortalités importantes. « Nous nous sommes opposés jusqu’en justice au projet éolien en forêt de Lanouée (56) et malheureusement, six mois après sa mise en service, nous constatons que c’est une véritable hécatombe. Nous parlons de plusieurs centaines de chauves-souris mortes. À ce rythme-là on va vider la forêt. » Thomas Dubois identifie également le territoire du Dresnay comme une zone à risque de forte mortalité.
Suite à cet avis de la MRAE, le promoteur, Engie Green, a lancé des études complémentaires et notamment des inventaires de l’avifaune « avec expertise spécifique du grand corbeau ». Une nouvelle demande d’autorisation environnementale devrait être déposée en 2023.
La commune sous tension
Louis Picault a acheté sa maison au Dresnay en 2021. Lorsqu’il découvre qu’un projet éolien est prévu à seulement 800 m de celle-ci, il tombe des nues. Inquiet de l’impact éventuel de ces infrastructures sur la santé humaine et sur l’environnement, il participe à la création de l’association Treger avel ar menez (TAAM) en 2022 pour s’opposer aux trois projets éoliens. Une première manifestation a eu lieu le 12 février 2023. Des tracts ont aussi été distribués et une rencontre a été organisée avec le maire. Plusieurs riverains du hameau posent devant leurs maisons des panneaux « Stop éoliennes ».
Comme sur d’autres communes, les tensions sont latentes dans le hameau entre les opposants et les propriétaires fonciers ayant accepté de louer leurs terres aux promoteurs éoliens. Depuis janvier 2023, Louis Picault affirme en faire les frais. Il explique avoir été victime de plusieurs actes de sabotage : boîte aux lettres enfoncée, rat mort devant chez lui, porte abîmée, tête de lapin dans son jardin, liquide de refroidissement siphonné, pneu avant droit crevé… Il a porté plainte le 10 août pour harcèlement moral. « Ce n’est plus vivable, explique-t-il, je me sens menacé, c’est très difficile à vivre, je suis tout le temps sur le qui-vive. »
Non loin de chez lui, à 4 km à peine, sur la commune de Plounévez-Moëdec, un agriculteur est, lui aussi, aux prises avec un projet éolien, porté par la société Kallista. Une éolienne de 180 m pourrait alimenter une station de recharge de voitures électriques et s’éleverait à moins de 500 m de son exploitation agricole. L’éleveur est particulièrement inquiet pour ses vaches, un animal connu pour être sensible aux courants électriques. Fermement opposé au projet, il a créé avec des riverains l’association Le Cresnet au naturel et installé un panneau contre le projet sur le bord de la route. « Le panneau a été déchiré, la clôture saccagée », affirme-t-il.
Malgré ces tensions quotidiennes, les collectifs anti-éoliennes ne comptent pas en rester là. Réunis sous le nom des Soulèvements de l’air, douze associations du Trégor et du Centre Bretagne ont décidé d’unir leurs forces. Elles ont mené plusieurs actions ensemble dont une journée de conférences en septembre, à Lanrivain. Un prochain événement est en cours d’organisation sur le thème « Comment peut-on faire autrement ? ».
640
C’était le nombre d’éoliennes en Bretagne, en 2020, selon l’Observatoire de l’environnement en Bretagne. Elles se situent principalement dans les Côtes-d’Armor et le Morbihan. Le parc éolien breton arrive en quatrième position en France.
« Ce sont des sociétés privées qui ont pour seul objectif une rentabiilité. Ils ne vivent pas sur place. On entend que parler d’argent, pas d’aménagement du territoire ou d’environnement. »
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