À l'ombre des safer, la guerre des champs

Julie Lallouët-Geffroy - 12 septembre 2023

Splann ! :Enquête foncier

Introduction

La Bretagne veut installer un millier d’agriculteurs par an, d’ici 2028. Aujourd’hui, un peu plus de 500 parviennent à lancer leur activité chaque année, tandis que dénormes fermes se dessinent au détour de complexes montages juridiques. Des exploitations de 1.000 hectares, parfois 1.400 hectares. Celles de plus de 200 hectares deviennent monnaie courante. En dix ans, leur nombre a doublé dans tous les départements bretons.

Certains veulent quelques hectares de plus pour cultiver du maïs, pour épandre le lisier de leurs bêtes, pour construire un méthaniseur, consolider l’entreprise, l’agrandir pour la transmettre à leur enfant. C’est sans compter l’appétit des villes qui utiliseraient bien une poignée d’hectares pour construire un quartier pavillonnaire ou un centre commercial. Chacun élabore sa stratégie pour parvenir à ses fins, quitte à flirter avec la légalité et utiliser la violence.

C’est un mouvement de fond, initié par le gouvernement français après-guerre, qui est à l’œuvre : concentrations et agrandissements au détriment de l’agriculture familiale. La France assure vouloir désormais inverser la vapeur en favorisant les installations. Pour y parvenir, elle compte s’appuyer sur ses deux arbitres. Les Safer régulent la vente des terres pour empêcher la spéculation foncière et favoriser le maintien des exploitations agricoles. La CDOA, commission départementale d’orientation de l’agriculture, octroie des autorisations d’exploiter aux agriculteurs. Mais des tactiques pour éviter le carton rouge existent.

Schéma de l’installation agricole. Crédits Jean Leveugle pour « Splann ! »

Boîte noire

Au cours de notre enquête, nous nous sommes plongés dans des dizaines de documents, de rapports, et avons contacté des dizaines d’interlocuteurs et interlocutrices. Une part infime d’entre eux sont mentionnés dans les différents volets de l’enquête.

Les personnes qui témoignent dans cette enquête sont presque toutes anonymisées. Elles craignent de subir des pressions, des menaces ; contre elles-mêmes ou leurs proches. Parce que milieux agricole et rural sont imbriqués, les intimidations viennent jusque dans la cour de la ferme, au pas de la porte.

Nous avons également sollicité des chefs d’exploitation ayant recours au montage sociétaire. François Le Bihan, Dominique Kerdoncuff et la famille Nagat n’ont pas répondu à nos sollicitations. Nous avons également sollicité Quentin Sergent qui n’a pas donné suite. Nous avons contacté les services de l’État, préfecture, Draaf et DDTM, qui ont refusé de s’entretenir avec Splann !. Ils ont néanmoins répondu partiellement par écrit à une première série de questions.

Le conseil régional de Bretagne a également décliné un entretien avec Arnaud Lecuyer, vice-président en charge de l’agriculture, mais a rédigé de premiers éléments de réponse. Voici leurs réponses écrites.

Cette enquête aborde la politique régionale agricole, raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur les quatre départements de la région Bretagne et avons exclu la Loire-Atlantique. Intégrer ce département aurait signifié creuser et confronter la politique agricole des Pays de la Loire, en récupérer les données, identifier les points de comparaison pertinents pour apporter une analyse globale à cinq départements. Soit une charge de travail supplémentaire et un fort risque de dispersion que nous avons choisi de ne pas assumer.

  • Réponse complète de la DDTM des Côtes-d'Armor

  • Les questions supplémentaires que nous aurions aimé poser à la Draaf et aux DDTM

  • La réponse complète du conseil régional de Bretagne

Pour aller plus loin

Notre démarche,
notre raison d'être.

Face aux catastrophes écologiques qui obscurcissent la perspective d’un avenir désirable, nous croyons à un journalisme d’intervention qui contribue à l’amélioration des pratiques.

Faire un don

Ce travail a été financé par les dons de citoyens et d’associations par chèque ou via la plateforme Donorbox. Seules ces contributions nous permettront de financer de nouvelles enquêtes. Les dons ouvrent droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. Ce qui veut dire que, pour les personnes payant l’impôt sur le revenu, un don de 100 € ne coûte par exemple que 34 €.

Par souci d’indépendance, notre média édité par une association à but non lucratif ne perçoit ni subventions des collectivités locales, ni mécénat d’entreprise, ni revenu publicitaire. De plus, aucun don ne peut représenter plus de 10 % de notre budget annuel. Aucune intervention éditoriale des donatrices et donateurs n’est admise.

Enquête réalisée par :
Julie Lallouët-Geffroy
Raphaël Baldos
Accompagnement :
Juliette Cabaço Roger
Anne Kiesel
Nous remercions aussi :

Riwanon Kallag pour la traduction en Breton, Jean Leveugle pour les illustrations.
France3 Bretagne pour leur soutien.

Nos partenaires