Depuis la fabrique d’aliments dans la cour de la ferme familiale créée par son père André, Alain Glon a développé, au fil des ans, une véritable holding internationale. La AGH, pour Alain Glon Holding, est aujourd’hui composée de plusieurs sociétés, dont certains noms sont bien connus des consommateurs : les chips Bret’s, Écofeutre (fabricant d’emballages recyclés), Tiliz et ses mochis glacés (dessert à base de riz). Sans oublier la Socofag (pellets pour poêle), les sociétés Équinoo (litière en copeaux de bois pour chevaux et poneys) et Ferotec (pièces pour presses à granulés ou pellets).
Le capitaine d’industrie
Cette puissance financière s’est construite sur son empire agro-industriel, développé à coups de rachats et de vente de sociétés, principalement opérés à partir des années 1980, notamment grâce à l’importation de farines animales. Le groupe passe la vitesse supérieure en fusionnant avec Sanders, en 1998, avant de le revendre au groupe Sofiprotéol-Avril, en 2007. Il en sera de même, au début des années 2000, avec le rachat de ses usines d’abattage et de transformation de volailles, aujourd’hui propriété du groupe LDC.
Régulièrement très critique envers la politique fiscale française, Alain Glon expliquait, dans une interview sur la chaîne Tébéo en 2019, les raisons de cette vente à contrecœur : « Nous avons dû revendre suite aux départs de mes frères car j’étais incapable de répondre aux besoins financiers pour régler leur part de l’ISF (impôt sur la fortune, NDLR). » Dix ans plus tôt, le magazine Challenges classait pourtant la famille Glon parmi les 500 premières fortunes de France, en 233e position, avec une fortune professionnelle estimée à 150 millions d’euros.
Des Panama Papers aux LuxLeaks
Comme le révèle Nicolas Legendre dans Silence dans les champs, cette activité financière vaut au nom d’Alain Glon d’apparaître, d’abord, dans les fuites dites des Panama Papers, via sa filiale Greengarth Holdings S.A. Puis, dans les LuxLeaks, une fuite de documents en provenance du Luxembourg, pays connu pour son très faible taux de fiscalité. Parmi les documents consultés par Splann !, les mouvements de la société Genel S.A. et ceux de la société Finafero interrogent.
Créée au Luxembourg en 2013, la société Genel S.A. a notamment pour objet d’acquérir « par souscription, achat et échange […], des actions et autres valeurs de participation, obligations ou créances ». Ce qu’elle fera, quelques mois plus tard, auprès de la société française Finafero, pour un montant de 4.884.000 euros.
Jusqu’à sa dissolution en 2022, cette société par actions simplifiées était spécialisée dans la gestion de fonds.
Quant à Genel S.A., au vu des différents bilans comptables analysés par Splann !, la société ne semble pas avoir d’activité notable.
Le destin de ces deux entités se rejoint encore, en 2020. Alors qu’en janvier, la Finafero change de direction pour devenir la propriété de la AGH, c’est la société Genel qui se voit transférée, en avril 2020, du Luxembourg vers la France. Sa gestion est confiée à Véronique Le Bourge (fille d’Alain Glon), ainsi qu’à d’autres membres de la famille Glon. Pourquoi tant de mouvements en une seule et même année ? Parce qu’en septembre 2020, soit à la veille de l’échéance du prêt de 2013, Jean-Yves Le Bourge, époux de Véronique Le Bourge, et qui agit en tant que représentant d’Alain Glon Holding, peut ainsi convertir les titres en actions. Une méthode tout à fait légale, qui acte une sorte de « remboursement » du prêt contracté en 2013, et qui permet surtout de voir augmenter le capital de Finafero de 5 millions d’euros.
Interrogée sur ces mouvements, Véronique Le Bourge affirme « qu’il n’y a pas de sujet ». Elle précise que Genel était une société « constituée avec un partenaire basé dans le nord de l’Europe. C’est une structure de rachat de la société Finafero. Le siège a été transféré en France suite au rachat des actions du partenaire étranger ». Quant au choix de la domiciliation au Luxembourg, l’ancienne responsable de la société Genel affirme que « ce n’est nullement une optimisation fiscale », mais simplement « un choix de notre partenaire », dont elle n’a pas souhaité donner le nom.
Interrogé par Nicolas Legendre au sujet des Panama Papers, Alain Glon affirmait quant à lui qu’il « ignorait l’existence » du compte au Panama et de cette société jusqu’à ce que les « autorités l’interrogent à ce sujet, il y a quelques années ».
Une figure des lobbies économiques et culturels bretons
L’homme d’affaires a aussi un certain pouvoir dans le monde culturel et politique. Membre du discret Club des Trente avec d’autres (Louis Le Duff, Yves Rocher, Vincent Bolloré…), Alain Glon a été président de l’Institut de Locarn (devenu Le Kéréden), jusqu’en 2019. Ce lobby de chefs d’entreprise et décideurs bretons est connu pour ses positions ultra-libérales et russophiles. Dans cette fonction, Alain Glon fut l’un des instigateurs du mouvement des Bonnets rouges, contre l’écotaxe, à l’automne 2013.
Une déclinaison du slogan « vivre et travailler au pays » que l’on retrouve dans son implication auprès de la Vallée des Saints. Musée à ciel ouvert, le site regroupe 200 statues géantes à l’effigie de saints bretons. Des créations contemporaines, financées par des particuliers ou des entrepreneurs, qui visent à attirer les touristes, en s’inspirant des traditions locales. Alain Glon est l’un des six mécènes de ce lieu qui vise à la « pérennisation des valeurs bretonnes, (pour) bâtir un repère solide pour les générations futures et entrer dans l’extraordinaire des Celtes », confiait-il au Télégramme en juin 2023. Parmi les sculptures de pierre, on retrouve ainsi celle de Saint-Gérand, en référence à la commune où se trouve le siège historique des sociétés Glon, Saint-Gérand. Contacté par Splann !, Alain Glon n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
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