L’État a été condamné en juillet 2023 à prendre de nouvelles mesures réglementaires pour limiter les épandages, notamment sur les bassins-versants alimentant huit baies bretonnes régulièrement polluées par les algues vertes. La réponse proposée en Bretagne réside dans
un nouveau programme d’actions — le septième du nom — signé en mai 2024. Tardif et contesté. Voici pourquoi.
Le tribunal administratif de Rennes a enjoint l’État, en juillet 2023, à prendre, sous quatre mois, de nouvelles mesures limitant la fertilisation azotée sur les bassins versants de huit baies bretonnes particulièrement exposées aux algues vertes (La Fresnaye/Saint-Cast-Le-Guildo, Saint-Brieuc, Lannion/La Lieue de grève, l’anse du Douron, baie de Guissény, de l’Horn/Guillec, de Douarnenez et de La Forêt-Fouesnant/Fouesnant). La préfecture de région y apporte une réponse emballée dans le septième programme d’actions régional nitrates (PAR 7) signé le 24 mai.
L’État justifie ce long délai de réponse par le lancement concomitant, à l’étage administratif supérieur, d’un nouveau plan national de lutte contre les nitrates. Cette synchronisation administrative a permis de bâtir un septième plan breton essentiellement avec les modifications demandées et validées par la justice du sixième plan, reculant de quelques mois encore sa mise en œuvre.
En mars 2024, le préfet de région, Philippe Gustin, déclarait dans le colonnes du Télégramme vouloir « passer à la vitesse supérieure » et « mettre en place un nouvelle méthode sur les algues vertes » avec l’objectif de voir « une inflexion dans la courbe des nitrates ». Mais, aujourd’hui ni le délai ni le contenu technique des réponses ne satisfont Eau et rivières de Bretagne (ERB), l’un des plaignants et principaux observateurs indépendants dans la région. L’association, qui avait déjà eu gain de cause en juillet 2023, annonce solliciter le préfet. Sans illusion quant à l’issue de ce recours gracieux, elle prévoit de saisir à nouveau la justice.
« Les taux de nitrates ne baissent plus dans les rivières bretonnes depuis 2014-2015, avec quelques territoires révélant des chiffres supérieurs à 50 mg/l », observe Estelle Le Guern, chargée de mission pour ERB. Juste avant de considérer que les mesures prévues dans le septième programme d’actions régional nitrates sont « toujours insuffisantes ». « Trop d’azote sur les terres, trop d’animaux hors-sol », conclut-elle.
« Pour les seuils d’alerte des reliquats d’azote sur les terres, le préfet de région pouvait imposer des mesures correctives », illustre Eau et rivières dans la partie du PAR 7 dédiés aux baies algues vertes. « Ce dispositif manque totalement de précisions. » Autre pomme de discorde, la balance globale azotée dont le seuil a été abaissé de 50 à 20 unités, mais avec une possibilité de faire une moyenne sur trois ans.
Ce qui ne colle pas non plus pour Eau et rivières, ce sont des plans de fumure et des cahiers de fertilisation autodéclarés par les exploitants. « Ces données seront désormais télédéclarées, laissant présumer des contrôles par les données et non plus sur le terrain. Ce qui ne contribuera pas à changer les pratiques agricoles », redoute ERB.
Encore plus inquiétant pour l’association, l’absence de contrôle technique des fosses à lisiers : « Personne ne semble vouloir le faire. La méthodologie doit être livrée au cours de cette année. Mais nous n’avons aucune date pour l’arrêté préfectoral qui devra venir derrière ».
Rappelons que pour la seule période 2022-2027, 130 M€ d’argent public sont de nouveau consacrés à la reconquête de la qualité des eaux bretonnes.