Les orientations d’aménagement de Vannes agglomération retoquées en justice
Jérémie Szpirglas et La Rédaction - 24 avril 2025
« Splann ! » dresse un bilan inédit et détaillé de l’artificialisation des sols sur les côtes bretonnes. Notre enquête révèle comment les bétonneuses passent parfois…
L’intégralité du schéma de cohérence territoriale (Scot) de la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes agglomération (GMVA) a été annulée par la cour administrative d’appel de Nantes, le 18 mars 2025, à la demande de l’association Les Amis des chemins de ronde du Morbihan. Cette petite association promeut les sentiers côtiers, le littoral et ses paysages. Le Scot de Vannes agglomération, voté en février 2020, fixait les orientations d’aménagement et de préservation de 34 communes morbihannaises, pour les vingt prochaines années.
Le motif de cette annulation ? Selon l’avis administratif, le document « ne respecte pas les articles L 121-3 et L 121-21 du code de l’urbanisme. En vertu de ces dispositions, poursuit la juridiction, le Scot doit préciser les modalités d’application de la loi Littoral et notamment déterminer ‘‘ la capacité d’accueil du territoire ’’ concerné. C’est-à-dire le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations — permanentes et saisonnières — que peut supporter le système de ressources du territoire sans mettre en péril ses spécificités ». Le Scot prévoyait le passage de 160.000 à 200.000 habitants à l’horizon 2035. Mais la Cour administrative a jugé que les auteurs du document n’ont pas « présenté la manière dont ils ont déterminé la capacité d’accueil du territoire des communes littorales ».
Pour l’association des Amis du chemin de ronde du Morbihan, « GMVA aurait dû expliciter ses capacités en eau potable, en système d’assainissement, en voies de circulation voiture, vélos, voies piétonnes… justifiant les zones urbanisables prévues par le Scot ».
L’Agglomération peut désormais se pourvoir auprès du Conseil d’État pour contester la décision de la cour administrative d’appel nantaise.
En attendant, une grande question reste en suspens : quid des Plans locaux d’urbanisme (PLU) approuvés depuis l’entrée en vigueur du Scot et qui sont manifestement entachés par son annulation ? Ont été révisés, depuis 2020, les PLU d’Arradon, Arzon, Vannes, Theix-Noyalo, le Hézo, Saint-Gildas de Rhuys, Sarzeau. Si ces PLU ne sont, pour l’instant, pas eux-mêmes remis en cause, la jurisprudence nantaise permettrait aux associations de protection de l’environnement de les faire annuler. Dans le cas contraire, ces documents étant généralement votés pour une durée de dix à quinze ans, le risque est grand de voir perdurer dans ces communes, pendant encore une dizaine d’années, les manquements qui motivent l’arrêt d’annulation du Scot.
Ailleurs, dans le département, des actions sont en cours à l’encontre d’autres Scot littoraux. À l’instar de celui du Pays d’Auray, contesté par six associations, dont l’Association pour l’application de la loi Littoral en Pays d’Auray (Aallpa). Anicette Jacopin, sa présidente, déplore notamment les manœuvres dilatoires des élus.
« En juillet 2022, le Pays d’Auray a modifié le volet littoral de son Scot, sans tenir compte des remarques formulées par notre association, au titre de personne publique associée, déplore la militante. Pour Belle-Île, qui comprend quatre bourgs avec moins 5.000 habitants permanents à l’année, les élus ont trouvé le moyen d’inscrire une vingtaine d’équivalents ‘‘villages’’ ou ‘‘agglomérations’’. Pour les petits hameaux trop près du rivage, ils ont fait l’impasse sur le secteur déjà urbanisé et les ont qualifiés directement de village. »
« La loi exige en effet des conditions très contraignantes pour définir un secteur déjà urbanisé (SDU), nous disait, dans le cadre notre enquête, Laurent Le Clech, un expert des dossiers ayant trait à la loi Littoral. En comparaison, qualifier un hameau de ‘‘village’’ est plus simple. Et l’on observe ces dernières années une nouvelle mode dans les PLU : la multiplication des simples ‘‘villages’’, beaucoup plus souple à définir juridiquement, et notamment dans les espaces proches du rivage où les SDU sont interdits ! »
« De la révision du Scot, poursuit Anicette Jacopin, Locmaria et Sauzon ont déduit leur PLU respectif, sur lesquels nous avons à nouveau formulé des remarques. Mais ils n’en ont pas tenu compte. Tout simplement, poursuit la militante, parce qu’ils étaient persuadés que notre association allait attaquer le Scot, ce qui ferait alors tomber le PLU. Mais, dans l’intervalle, le temps de la procédure, ils pourront construire, étendre, densifier tous les villages. »
Une artificialisation irréversible ensuite, quelle que soit la décision du juge.