Les arrêtés de restriction de l’usage de l’eau (pdf) pris cet été dans 19 communes du Léon ont été levés mi-septembre. Durant l’été, le débit du Coatoulzac’h était insuffisant et les « capacités de secours des partenaires interconnectés » avaient atteint leurs limites, justifiait dans la presse régionale les responsables du Syndicat mixte de production et de transport d’eau de l’Horn.
Pourtant, la principale raison des difficultés récurrentes à s’alimenter en eau potable de ce territoire, qui s’étend de Roscoff à Plouvorn, en passant par Plouescat et Carantec, est bien la persistance d’une forte pollution aux nitrates de l’Horn. Pollution qui a conduit à la fermeture du principal point de captage du syndicat, il y a 17 ans. Comme nous l’évoquions déjà dans notre enquête sur Plouvorn publiée en 2023, le syndicat prélève depuis 2007 son eau dans le Coatoulzac’h, un ruisseau au débit jugé insuffisant par le syndicat lui-même. « Nous avons des restrictions en eau tous les ans », constate Philippe Bras, président de l’Association agréée de pêche et de protection aquatique de Morlaix (AAPMA).
Régulièrement, le syndicat mixte de l’Horn ou la commission locale de l’eau (CLE) affirment que le point de captage de l’Horn pourra rouvrir prochainement. Mais le cours d’eau reste l’un des plus pollués aux nitrates en Bretagne, comme le montre la dernière carte de la qualité des cours d’eau breton, publiée en juin par l’Observatoire de l’environnement en Bretagne.
Le président de la CLE du Sage Léon Trégor, Guy Pennec, espère une réouverture du captage d’ici 2028, « quasiment demain » selon lui. Il défend « le gros travail fait avec les éleveurs et les serristes » pour diminuer les rejets de nitrates. Pour recommencer à prélever de l’eau dans l’Horn, les taux de nitrate doivent être inférieurs à 50 mg/l durant cinq années consécutives. Mais cette année, selon un technicien du territoire, deux prélèvements, effectués en juillet et en août, ont encore indiqué des taux supérieurs à 50 mg/l.
Malgré l’optimisme affiché par les gestionnaires du territoire, l’objectif paraît donc encore loin d’être atteint, et la presse locale n’aura probablement qu’à copier-coller les articles de l’année précédente sur les restrictions en eau à l’été 2025. Et même si le taux de nitrates se maintenait, durant les cinq prochaines années, sous le seuil de 50 mg/l, il reste la question de la pollution aux pesticides. Car en plus d’être un des territoires les plus densément peuplés en cochons, le bassin versant de l’Horn est aussi une terre de maraîchage intensif.
Un cocktail de pesticides explosif
Jennifer Laurent, aujourd’hui ingénieure d’études en traitement de données à l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM), à Brest, a étudié les facteurs affectant l’intégrité d’un poisson sentinelle, le flet, dans différents estuaires. Des onze bassins versants bretons comparés dans sa thèse de doctorat parue en 2023, l’Horn apparaît comme le plus pollué par les pesticides. Elle relève qu’au niveau de Saint-Pol-de-Léon, la concentration totale de pesticides atteint 6.93 ug/l (pdf), quand les seuils en eau brute ne doivent pas dépasser 5 ug/l. Son analyse protéomique sur le foie du Flet montre ainsi une forte détoxification et des dérégulations immunitaires (voir le résumé de la thèse en vidéo).
« C’est l’un des systèmes les plus impactés par les pesticides en région Bretagne », pointe Jennifer Laurent. Des données confirmées par le réseau de suivi de la qualité des eaux en produits phytosanitaires (Corpep), réseau développé par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de Rennes et dont l’une des dix stations est celle de Saint-Pol-de-Léon.
Le code de la santé publique fixe le seuil en eaux distribuées à 0,1 μg/l par substance. En 2023, onze substances dépassaient 0.1 ug/l.
Dans le cadre de sa thèse, Jennifer Laurent a mené une expérimentation pour analyser l’effet des pesticides présents dans l’Horn. Elle a exposé des flets juvéniles à un cocktail de pesticides composé d’AMPA (composé organique issu du glyphosate), de Métazachlore ESA, de Métolachlore ESA et de Glyphosate. Non présents dans la thèse, Jennifer Laurent n’a pas souhaité nous communiquer les résultats de cette étude.
Même si les prélèvements se sont faits en aval du cours d’eau, cela montre l’ampleur de la pollution d’origine agricole sur ce territoire : que ce soient les nitrates ou les pesticides, la rivière de l’Horn est considérablement affectée par l’activité agro-industrielle.
« Nous ne pouvons pas continuer à nous voiler la face ! », tempête Philippe Bras. Le pêcheur s’interroge en particulier sur la contamination des poissons et des crustacés et sur le potentiel impact de leur consommation sur la santé des habitants.
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