Deux rivières finistériennes ont été polluées à la soude durant l’été, un produit utilisé par l’industrie agro-alimentaire pour nettoyer cuves et circuits. Des rejets « accidentels » de l’usine de lait de Carhaix, Nutri Babig (Sodiaal), et de l’usine de surgelés Primel Gastronomie, à Plougasnou, près de Morlaix. Résultat : une hécatombe pour les poissons et pour la biodiversité en général. Contactées, aucune des deux entreprises n’ont répondu à nos questions. Dans les deux cas, le parquet de Brest a été saisi et des enquêtes sont en cours, menées par l’Office français de la biodiversité (OFB) et la Direction départementale de la protection des populations (DDPP).
À Carhaix, ce sont 18 m3 de soude qui se sont déversés dans la station d’épuration de la cité centre-bretonne. Une catastrophe quand on sait que celle-ci fonctionne en partie grâce à des bactéries qui font un efficace travail de nettoyage des boues. Des effluents non traités ont alors été déversés dans la rivière Hyères, tuant toute vie sur plusieurs kilomètres. « Nous avons constaté 3,5 kilomètres de rivière pollués », détaille Patrick Clerin, vice-président de la fédération de pêche du Finistère. Selon lui, des mousses blanches auraient même été repérées jusqu’à l’embouchure de l’Aulne, par un hélicoptère dépêché par la préfecture.
Dans la région de Morlaix, c’est la rivière Pontplaincoat, à Plougasnou, qui aurait reçu, selon une de nos sources, 1 m3 de soude pur. « Trempez un doigt dans de la soude, vous verrez ce que ça fait », lance, pragmatique, Patrick Clerin. Là aussi, les dégâts piscicoles sont majeurs. Des centaines de poissons morts ont été retrouvés sur plus de 2 km. « C’est toute la vie intérieure du ruisseau qui est morte : les micro-invertébrés qui nourrissent les poissons et qui mettront des années à revenir. »
La pêche a été interdite, ainsi que, durant deux jours, la baignade et le ramassage de coquillages sur l’anse de Diben, une zone Natura 2000 où se jette le Pontplaincoat.
Des efforts réduits à néant
Ces deux cours d’eau faisaient l’objet d’importants efforts de la part des autorités et des associations pour améliorer leur état écologique. En 2021, Poher communauté avait notamment réalisé des travaux d’aménagement du lit de l’Hyères après le pont, près du moulin du Petit Carhaix, qui gênait la continuité écologique. Plusieurs journées avaient aussi été consacrées par l’AAPPMA de Carhaix à nettoyer le cours d’eau et ses rives.
Idem sur le territoire de Morlaix, où la déception des pêcheurs et des élus est palpable : 1,7 million d’euros avaient été investis sur le Pontplaincoat pour « construire un projet de réhabilitation complète hydromorphologique », détaille Guy Pennec, vice-président chargé de l’eau à Morlaix communauté. Les analyses réalisées en 2016 montraient un cours d’eau appauvri, qui avait été détourné et canalisé suite à l’extraction de minerai d’étain entre 1963 et 1973.
Suite à de nombreux travaux pour redonner au cours d’eau son tracé originel, les analyses montrent un rapide retour des poissons « Ça vous prend au cœur de voir l’anéantissement d’un tel travail de réhabilitation », admet Guy Pennec.
Pourtant, l’agglo de Morlaix ne portera pas plainte. « Nous sommes sur une pollution non intentionnelle, dans une entreprise qui est pas ailleurs exemplaire dans la gestion de l’eau. Un accident est toujours possible. » Le vice-président préfère se mettre d’accord sur des mesures de compensation et de restauration de milieu. Il précise avoir déjà contacté Primel Gastronomie.
À l’opposé, les représentants des pêcheurs Philippe Bras et Patrick Clerin demandent que les coupables soient mis devant leur responsabilité. Avec en tête, l’exemplaire procès de la pollution au lisier de la rivière La Penzé, où le responsable a été condamné par le tribunal de Brest à 200.000 euros d’amende. L’exploitant a fait appel.
1,7 M€
Coût du chantier de rénovation écologique du ruisseau de Pontplaincoat selon le vice-président de Morlaix communauté, Guy Pennec.