Dans le sillage de la construction navale, une myriade de sociétés industrielles s'est implantée à Saint-Nazaire. Sept d’entre elles produisent ou stockent des substances dangereuses…
Le bocage est un allié face au changement climatique, mais un obstacle à une agriculture toujours plus mécanisée. Pour les agriculteurs, son entretien est lourd…
Crééé en 1964 à Lamballe, la Cooperl est aujourd’hui bien loin du petit groupement de 25 éleveurs des origines. Devenue une multinationale du porc, la…
La Bretagne veut installer 1.000 agriculteurs par an, d'ici à 2028. Aujourd’hui, un peu plus de 500 parviennent à se lancer tandis que d'énormes fermes…
« L’agriculture peut être favorable à la biodiversité »
Juliette Cabaço Roger - 3 octobre 2024
Florian Barbotin est chargé de mission agriculture à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Bretagne. Sa mission : accompagner les agriculteurs volontaires vers des systèmes de production plus favorables à la biodiversité. Un travail de longue haleine qui nécessite un accompagnement financier important.
Cet article est issu d’un grand entretien à retrouver en vidéo et en podcast sur vos plateformes habituelles.
« Très concrètement, il y a un déclin de la biodiversité à toutes les échelles, que ce soit monde, Europe, France, Bretagne, ferme ou parcelle. » C’est le constat que fait Florian Barbotin, chargée de mission agriculture à la LPO Bretagne. Une affirmation basée sur des données accablantes mises en lumière depuis plusieurs années par la communauté scientifique : en France, la biomasse d’insectes a subi un déclin de 80 % en 30 ans.
« Pour une raison très simple, affirme Florian Barbotin. C’est la conséquence de l’utilisation de pesticides de synthèse et de certaines pratiques agricoles, notamment de fauche aux mauvaises périodes, ou le labour, qui a un fort impact sur vie du sol. »
Le Grand Ouest, et en particulier la Bretagne, abrite une biodiversité très riche grâce à son paysage bocager. Traditionnellement, haies et talus étaient utilisés pour séparer les parcelles et servaient de clôture naturelle. Mais le bocage est aussi un habitat parfait pour un grand nombre d’espèces d’animaux qui y ont élu domicile.
Depuis les années 60, le remembrement mené par l’État français a entraîné une rupture paysagère importante. Cette politique visait à « moderniser » l’agriculture et à augmenter significativement les rendements grâce à la mécanisation et à l’utilisation de produits phytosanitaires, entre autres. Les parcelles s’agrandissent et les haies deviennent un obstacle pour les machines. « Dans les années 60, on avait 450.000 km de bocage en Bretagne, détaille Florian Barbotin. Puis plus que 200.000 km à la fin des années 90 et 180.000 en 2008. Et aujourd’hui, l’enquête de Splann ! montre qu’il y a toujours ne baisse ».
La Bretagne, réservoir biologique de certaines espèces
La perte de bocage entraîne inévitablement une perte de biodiversité, y compris de certaines espèces majoritairement présentes en Bretagne. Comme nous l’avons montré dans notre enquête sur les terres agricoles, la tendance est à l’agrandissement des fermes qui atteignent parfois plus de 1.000 hectares. Et plus une exploitation s’étend, plus les talus et haies disparaissent.
« Les oiseaux sont intéressants à observer parce que ça permet d’extrapoler sur leur ressource alimentaire et leur milieu, explique Florian Barbotin. Par exemple, le bruant jaune a vu sa population régresser de 45 % en France et de 73 % en Bretagne à cause de la régression du bocage. » Cette disparition a un impact national, voir international, puisque la Bretagne est un réservoir biologique pour cette espèce. C’est-à-dire qu’elle dépend du milieu bocager pour survivre. C’est pourquoi elle est classée en danger dans la région.
Pourtant, agriculture n’est pas forcément synonyme de destruction. Elle peut même être créatrice de biodiversité, nous raconte Florian Barbotin. « L’homme est aussi facteur de création de biodiversité grâce à ses pratiques agricoles, parce qu’il aura favorisé la diversité génétique d’espèces cultivées. Et quand il y a plusieurs espèces cultivées, il y a aussi des insectes différents qui viennent et donc des prédateurs. »
Un exemple qui s’applique aux céréales, mais aussi à l’élevage. « En Bretagne, il y a des races anciennes comme la Pie Noire ou a Froment du Léon. C’est l’homme, de par ses pratiques et la sélection génétique qu’il a exercée depuis des milliers d’années, qui a favorisé l’émergence de ces espèces complètement adaptées aux écosystèmes locaux puisqu’ils ont coévolué avec. »
Amorcer la changement vers des modèles plus favorables à la biodiversité
Revenir à des fermes plus petites, sans pesticides, sans engrais de synthèse, avec plus de bocage est donc une nécessité pour préserver la biodiversité. « La biodiversité est fondamentale pour la survie, y compris de l’espèce humaine », martèle Florian Barbotin.
Mais une ferme plus petite et avec des espaces en friche ou des bandes enherbées, sans pesticides, est-elle viable aujourd’hui ? « Sur des systèmes qui sont favorables à la biodiversité, il y a souvent très peu de charges, parce que ça va être beaucoup du pâturage à l’herbe, sur prairie naturelle, avec des races anciennes. Donc ça veut dire beaucoup moins d’achat de foin, pas d’achat de pesticides de synthèse… » Il faut rappeler que les coûts des pesticides ont augmenté puisqu’ils sont liés au cours du pétrole.
« Ce sont aussi des systèmes qui représentent moins de temps de travail, enchaîne Florian Barbotin. Parce qu’ils sont assez autonomes, avec des bêtes qui ont une éducation alimentaire qui leur permet de bien valoriser les flores qui sont présentes. Les systèmes intensifs vont avoir des rendements souvent plus importants en lait ou en viande, mais avec une charge de travail beaucoup plus importante. Et donc finalement, ils auront une rentabilité équivalente. »
Lorsqu’il s’agit de changer de modèle agricole et de passer d’une production intensive à une production plus respectueuse de la biodiversité, il faut prévoir du temps et un investissement important. D’autant plus qu’il y a les premières années un effet d’amorce : les écosystèmes sont alors très déséquilibrés et les prédateurs vont mettre du temps à revenir s’y installer. Une situation qui profite aux ravageurs et aux nuisibles et qui peut donc entraîner des pertes et une baisse de rentabilité les premières années. Avant d’inverser la tendance et retrouver un environnement sain et autonome.
« Il y a tout un tas de bibliographie qui montre que ça marche d’un point de vue agronomique comme d’un point de vue écologique. Mais il faut le faire d’une manière planifiée, accompagnée. Et malheureusement les politiques ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux. Il faudrait des milliards. Une fois qu’on est parti dans un système intensif, pour en changer, c’est un paquebot. Ça prend du temps et ça demande un vrai investissement financier. »
Recevez chaque mois des contenus inédits par mél et soyez alertés de nos nouvelles enquêtes. C'est gratuit !
En m'inscrivant à l'infolettre de Splann !, je consens à ce que les données personnelles que j'ai fournies (adresse courriel) soient utilisées dans le cadre de l'envoi de cette infolettre, tel que stipulé dans la page politique de confidentialité du site de Splann !.