La rédaction de « Splann ! » signe la charte de Marseille sur l’information et les migrations
La Rédaction - 1 mai 2025
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Préparée par des journalistes et des chercheurs depuis l’été 2024, la première charte sur le traitement des migrations par les médias a été adoptée mardi 29 avril lors des Assises méditerranéennes du journalisme, organisées à Marseille.
A l’instar de la charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique — dont Splann ! est également signataire —, ce texte doit servir de « boussole » aux professionnels de l’information. Ils pourront s’y référer pour traiter la thématique des migrations de manière « précise, complète et transversale », énumère Julia Montfort, journaliste membre de l’association Désintox-migrations, qui est en à l’initiative avec sa consœur Leila Amar de Guiti News.
Ses onze principes fondamentaux incluent le respect de la dignité, la lutte contre les stéréotypes, la responsabilité professionnelle, l’équilibre entre factuel et humain, la formation continue, la communication élargie et l’évaluation régulière des pratiques.
Employer un vocabulaire adapté selon les situations décrites, donner davantage la parole aux personnes en situation d’exil ou tout simplement recueillir le droit à l’image font partie des recommandations du collectif à l’origine de cette charte. Si ses membres ne fondent aucun espoir sur des médias qui ont délaissé les faits pour l’opinion, ils espèrent qu’elle favorisera une prise de conscience dans des rédactions peu formées à ces questions.
France Médias Monde (RFI, France 24…), la Deutsche Welle, L’Humanité, Mediapart, Reporterre, Alternatives économiques, les trois principaux syndicats de journalistes français, et les écoles de journalisme de Lannion, Tours et Cergy font partie des premiers signataires (liste complète ici).
Cette charte, élaborée par des professionnels de l’information et des universitaires spécialistes des migrations, est un outil destiné aux journalistes et aux professionnels des médias.
Tout en réaffirmant la liberté éditoriale dont dispose chaque rédaction, cette charte souhaite répondre aux défis journalistiques liés aux migrations, un enjeu politique et social majeur du monde contemporain.
Elle vise à soutenir les journalistes et les professionnels des médias dans leur souhait de proposer une couverture de qualité, précise, complète et éthique des questions migratoires, en intégrant notamment les recommandations issues de textes déontologiques de référence.
Comme le rappelle la Charte mondiale d’éthique de la Fédération Internationale des Journalistes dans son article 9 : « Le/la journaliste veillera à ce que la diffusion d’une information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir la haine ou les préjugés et fera son possible pour éviter de faciliter la propagation de discriminations fondées sur l’origine géographique, raciale, sociale ou ethnique, le genre, les mœurs sexuelles, la langue, le handicap, la religion et les opinions politiques ».
1 – Prendre conscience que le sujet des migrations doit être traité de manière transversale.
Les causes des mobilités humaines sont complexes et multifactorielles. Les angles de traitement doivent être exigeants et refléter ces différents prismes.
2 – Rectifier les informations fausses ou erronées sur le sujet des migrations.
Tout journaliste digne de ce nom dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte. Le travail de fact-checking est recommandé pour les déclarations publiées ou prononcées par des personnalités publiques au sujet des migrations.
3 – Exposer les mécanismes de la désinformation et des stéréotypes sur les migrations en fournissant des informations vérifiées, sourcées, et contextualisées.
Un journaliste doit respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité.
4 – Veiller à ne stigmatiser aucune population.
Les journalistes doivent garantir que toute couverture médiatique respecte la dignité des personnes migrantes et s’interroger sur leurs propres perceptions et biais. La Charte de Marseille recommande aux journalistes de ne mentionner l’origine, la religion ou l’ethnie que s’ils estiment que cela est pertinent pour l’information du public.
5 – Ne pas invisibiliser les personnes migrantes.
Une couverture journalistique équilibrée des migrations doit prendre soin de s’informer auprès de l’ensemble des parties prenantes, en particulier les premiers concernés.
6 – Être vigilant sur les termes employés.
Migrant, immigré, réfugié, étranger ou demandeur d’asile n’ont pas la même signification. Les journalistes veilleront à employer les mots les plus appropriés, en se référant aux définitions juridiques et scientifiques ainsi qu’aux catégories administratives en vigueur pour éviter amalgames et approximations.
7 – Appliquer les règles élémentaires du droit à l’image.
Les journalistes prendront les précautions qui s’imposent en s’assurant du consentement explicite et éclairé des personnes migrantes lorsqu’elles seront filmées, enregistrées ou prises en photos.
8 – Veiller à utiliser des images d’illustration qui reflètent la diversité des migrations.
Les journalistes veilleront à rester exigeants quant à la pertinence des photos ou images d’illustration. Celles-ci doivent refléter le sujet traité de la manière la plus fidèle et la plus actuelle possible. Cela vaut aussi pour l’utilisation de banques d’images, d’archives ou d’intelligences artificielles génératives.
9 – Mettre en avant les faits, les replacer dans leur contexte.
Les journalistes respecteront la rigueur scientifique des chiffres et des données statistiques. Ils veilleront à les mettre en perspective, afin d’éviter le « traitement au cas par cas » et d’informer au mieux sur les causes et les effets politiques, économiques et climatiques des migrations.
10 – Se former et former ses pairs.
Les journalistes doivent avoir accès à des formations initiales et continues sur la couverture des migrations tant sur les évolutions législatives que sur les droits humains ou les travaux scientifiques les plus récents. Ces formations devraient favoriser les partages transfrontaliers (conférences académiques, séminaires rencontres professionnelles ou reportages collaboratifs avec des rédactions étrangères).
11 – Mesurer l’impact et perfectionner les méthodes.
Les journalistes et leurs rédactions sont invités à réaliser des audits internes réguliers pour évaluer et améliorer les pratiques journalistiques en vigueur à l’aide d’outils comme des glossaires et des partages d’expérience.