Municipales à Brest : Nazim Yenier, un « candidat populiste » qui surfe sur les problèmes d’insécurité
Auteur invité et Roman Jezequel - 29 décembre 2025
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« Contre l’incivisme, la délinquance, le harcèlement, la destruction des lieux de vie commune. » Voilà résumé sur la page Facebook des Bergers du quartier, le projet du collectif, dont Nazim Yenier est la seule figure publique connue. Une page suivie par 8.800 abonnés.
Le 19 novembre, « le Berger » fait coller, sur les murs de Brest, une affiche de son adversaire politique favori, François Cuillandre. En lice pour un cinquième mandat, l’édile y est grimé en Clint Eastwood, avec ce slogan : « Le maire, le délinquant et le récidiviste. »
Cette animosité ne vient pas de nulle part. Février 2024, en plein conseil municipal, Nazim Yenier interpelle l’édile, le brocardant pour son indifférence, suite au décès d’une octogénaire tuée, lors d’un rodéo urbain, dans le quartier prioritaire – selon la classification de la politique de la ville – de Pontanézen. Le maire s’emporte et accuse le trublion d’entretenir des liens « avec l’extrême-droite turque la plus violente ». Sans preuve tangible, cette accusation voit le maire socialiste condamné, le 12 septembre 2024, à 1.000 euros d’amende pour « injure publique en raison de l’ethnie, la race ou la religion » par le tribunal correctionnel de Brest. Une condamnation confirmée, un an plus tard, par la cour d’appel de Rennes.
Selon nos informations, François Cuillandre a décidé de se pourvoir en cassation. Ce qui n’empêche pas celui qui est né à Izmir, en Turquie, avant d’obtenir la nationalité française, de mettre en avant cette décision sur ses réseaux sociaux.
Une méthode, comme une marque de fabrique. À chaque fait divers, survenant dans les quartiers, « le Berger » se déplace, produit une vidéo, puis communique sur Facebook et YouTube.
Comme en 2021, où celui qui est aussi patron d’une école de salsa réalise une vidéo de 40 minutes sur l’insécurité à Kerourien, autre quartier prioritaire de Brest. Une publication rapidement relayée par un article du Parisien, puis par Front Populaire, l’hebdomadaire souverainiste de Michel Onfray.
Interrogé sur sa présence réelle dans les quartiers brestois, Nazim Yenier assure à Splann ! « avoir habité à 300 m de ce quartier et avoir subi ces rodéos urbains ». Depuis ces vidéos fondatrices, et les quelques relais médiatiques qui ont suivi, Nazim Yenier en produit d’autres, accompagné de victimes de violences ou d’autres YouTubeurs. En 2023, il reçoit ainsi Vincent Lapierre à Pontanézen. Cet influenceur d’extrême droite aux 650.000 abonnés continue de décrire une France au bord du chaos, après avoir débuté auprès d’Alain Soral chez Egalité & Réconciliation.
Interrogé sur le profil de Vincent Lapierre, Nazim Yenier affirme avoir été contacté par le YouTubeur pour cette vidéo : la ligne politique de son auteur lui importe peu. De fait, « le Berger » assure « parler à tout le monde ». Notamment aux électeurs du RN et de Reconquête, des partis qui, selon lui, « ne sont pas d’extrême-droite ».
Pour continuer de mesurer l’ampleur du « phénomène » du « Berger », Splann ! s’est rendu à Pontanézen. Interrogé, le directeur du centre social, affirme : « Il ne m’intéresse pas, je préfère l’ignorer. Au contraire, on a besoin que les actions positives du quartier soient mises en valeur. »
Dans la bouche d’une employée du centre, nous entendons un autre discours. « Il pointe ce qui va mal. » Et de poursuivre, en expliquant que son fils s’est rendu avec « Les Bergers » sur les marches du palais de justice pour un hommage à Fabio Taane, un jeune du quartier fauché par une rafale de kalachnikov, en octobre 2023.
Au fil de la discussion, la salariée se dit surprise d’apprendre que « le Berger penche à l’extrême-droite ». Dans la rue, nous interrogeons un trentenaire qui a grandi dans le quartier : « On connaît tous le Berger sur les réseaux. Il vient quand il y a un problème pour faire le buzz. Mais personne ne l’a rencontré. »
Questionné par Splann !, Nazim Yenier confirme n’avoir jamais habité à Pontanézen : « Sous prétexte que je n’habite pas ces quartiers, alors qu’il y a des personnes tuées ou agressées, je n’aurais pas mon mot à dire ? En tant que citoyen qui paie des impôts pour que ces HLM soient entretenus, j’ai le droit de regarder ce qui se passe là-bas. »
Derrière cet activisme en ligne, Nazim Yenier poursuit un agenda politique. Un an avant le scrutin municipal, « le Berger » confie au Télégramme, son « envie d’y aller ». À la rentrée, après une vidéo en hommage à Fabio Taane, tournée sur les marches du tribunal, Nazim Yenier voit son compte professionnel Facebook et son compte personnel Instagram suspendus par Meta. L’entreprise lui reproche la publication d’un contenu ne respectant pas ses standards. Suite à cette suspension, il se pose en victime et en profite pour s’épancher au micro d’André Bercoff sur Tocsin, un podcast aux relents complotistes créé par une ancienne matinalière de Radio Courtoisie. Une entrevue où il redit songer à déposer sa candidature aux élections municipales de mars 2026.
Quand nous l’interrogeons sur le positionnement de Tocsin, le candidat se défend : « Je ne connais pas ses positions, je suis un candidat local, le reste ne m’intéresse pas. » Pourtant, ce « candidat local » partage certains penchants des médias d’extrême droite : dans un post Facebook, de juin 2025, consacré à la marche des fiertés, il affirme : « Nous mènerons une guerre ferme contre les ravages infligés à nos enfants par cette idéologie. »
En septembre dernier, c’est au tour du média identitaire Frontières de dédier une chronique à Nazim Yenier. Il y est présenté comme un citoyen soucieux de l’ordre public qui s’oppose sur ce sujet au maire de Brest. Le 4 décembre, dans une déclaration au ton solennel, Nazim Yenier déclare finalement sa candidature à la mairie de Brest, sous l’étiquette La Vague citoyenne.
« Le Berger » ira-t-il jusqu’au bout ? « Construire une liste paritaire de 55 personnes n’est pas une mince affaire », confie un observateur de la vie politique brestoise. De fait, sur les contenus publiés par les réseaux des « Bergers du quartier », Nazim Yenier apparaît bien seul…