Crééé en 1964 à Lamballe, la Cooperl est aujourd’hui bien loin du petit groupement de 25 éleveurs des origines. Devenue une multinationale du porc, la…
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Les paysages de bocage, caractérisés par leurs haies entourant champs et prairies, trouvent leur origine au XVIIIe siècle. Le développement de l’élevage et la structuration de petites propriétés agricoles ont encouragé la plantation de haies pour cloisonner les espaces. Ces alignements d’arbres et d’arbustes n’étaient pas qu’esthétiques : ils jouaient un rôle clé dans la gestion des parcelles, la préservation des sols et la biodiversité.
Depuis les années 1950, l’intensification agricole et les remembrements fonciers ont entraîné l’arrachage massif des haies. Si ce processus semblait ralentir, Thibault Preux révèle qu’il persiste. « Les récents chiffres du ministère de l’Agriculture montrent une accélération inquiétante, avec 25 500 km de haies disparaissant chaque année », alerte-t-il.
Cette transformation paysagère résulte principalement de l’agrandissement des exploitations agricoles, un phénomène qui concentre les terres dans les mains de quelques exploitants. Selon les terrains d’enquête observés par le chercheur, 10 % des plus grandes exploitations captent 60 % des terres libérées, renforçant l’impact de leurs choix sur l’organisation de l’espace.
La disparition des haies a des répercussions directes sur les écosystèmes. Les haies abritent de nombreuses espèces animales et végétales, servent de corridors écologiques et contribuent à la qualité des sols et des eaux. Leur absence amplifie les risques d’érosion, d’inondations et de pollution des cours d’eau. « Sans les haies, les sols sont plus vulnérables au ruissellement, et la biodiversité souffre d’un appauvrissement dramatique », déplore le géographe.
Face à cette urgence, plusieurs initiatives émergent, comme le programme Breizh Bocage en Bretagne ou le Pacte pour les haies lancé par le ministère de l’Agriculture. Ces projets visent à encourager la replantation et l’entretien des haies, mais les résultats restent modestes. « On convainc surtout les agriculteurs déjà sensibilisés, souvent engagés dans l’agriculture biologique ou des systèmes herbagés », note Thibault Preux. Pour inverser la tendance, il appelle à une politique plus ambitieuse et adaptée à l’ensemble des modèles agricoles, y compris les plus intensifs.
Si les jeunes générations d’agriculteurs semblent montrer une sensibilité accrue à la préservation des paysages, le modèle agricole dominant, marqué par l’agrandissement et l’intensification, continue de peser lourd. Les politiques publiques, notamment la réforme de la Politique agricole commune (PAC), seront déterminantes pour préserver ce patrimoine unique.