[Info « Splann ! »] Au Faouët, dans le Morbihan, les arbres tombent sous les permis du maire
Chloé Richard - 3 septembre 2025
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Le maire du Faouët aurait-il des airs de Jules César ? Dans Astérix : Le Domaine des Dieux, l’empereur romain déclare : « La forêt sera détruite pour faire place à un parc naturel. » Dans la petite commune morbihannaise, située dans l’Argoat, à une trentaine de minutes au nord-ouest de Lorient, Christian Faivret semble avoir eu la même ambition : ici, le parc des Ursulines a bien changé.
Pumptrack (piste bosselée pour BMX, NDLR), aire de jeux pour enfants, petit terrain de basket, tables de pique-niques, bancs, voies pour se balader… Le parc des Ursulines est désormais un terrain de loisirs.
Située à quelques encablures du centre-bourg, cette ancienne prairie, cernée par quelques centaines de mètres de linéaires d’arbres, n’est plus la même, depuis les travaux d’aménagements opérés par la commune, en 2023.
Là, sur une centaine de mètres, l’if centenaire, les aubépines et les hêtres ne sont plus. Noir sur blanc, il est pourtant écrit, page 23 du permis d’aménager, déposé par la commune le 17 juin 2022, et que Splann ! a pu consulter, que « le projet conserve et vient compléter la strate arborée existante ainsi que renforcer la strate arbustive ».
Ou encore : « Le projet a été conçu de manière à préserver la végétation existante. Les haies bocagères et boisements existants seront conservés étant donné qu’ils représentent un intérêt floristique et faunistique. »
Mais ces arbres ont malgré tout été arrachés et, ce, avant même la date de déclaration de début des travaux.
Dans un courrier de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), daté du 9 mars 2023 et adressé au maire du Faouët, on apprend que l’Office français de la biodiversité (OFB) est intervenu sur place, le 2 février de la même année. Constatant « la coupe de 110 mètres linéaires, soit l’abattage de 30 arbres sur 61 présents initialement. Ils (les agents de l’OFB, NDLR) mentionnent également la présence de plusieurs espèces d’oiseaux et d’amphibiens protégées, utilisant comme habitat de reproduction ou de repos (hivernage) ces haies arborées denses sur talus. À ce titre, une procédure judiciaire est actuellement menée par l’OFB », conclut l’administration.
Dans ce même courrier, la DDTM rappelle également l’article L.411-1 du Code de l’environnement qui interdit la destruction, l’altération ou la dégradation des habitats naturels des espèces protégées. Le service préfectoral invite alors à la suspension immédiate de tous travaux, portant atteinte aux espèces protégées et à leur habitat.
Le chantier a quant à lui été déclaré ouvert le 22 mars 2023.
Interrogé au sujet de la coupe de ces arbres par l’élu d’opposition Erwan Le Corre, lors du conseil municipal du 8 mars, le maire a répondu, selon le procès-verbal, que les arbres avaient été arrachés car ceux-ci étaient « malades ». Il ajoute que « la police de l’environnement a bien visité le site et consulté le plan en mairie avec les services, il y a plusieurs semaines déjà, et qu’aucune remarque n’a été formulée ».
Pour Philippe Loyer, spécialiste de l’aménagement paysager et élu pendant trois mandats (un avec la majorité, deux dans l’opposition Ndlr), jusqu’en 2020 : « Rien ne justifiait cet arrachage et quand un arbre gêne, il est possible de le contourner. » Également interrogé sur cette situation, Erwan Le Corre confirme que « rien ne prouve non plus que ces arbres étaient malades ».
Ce à quoi, Christian Faivret avance le fait que 3.000 plants de substitution sont prévus, dans ce projet.
« C’est souvent ce que l’on voit dans les cas d’arrachages d’arbres : ceux-ci sont justifiés car derrière d’autres arbres ont été plantés. Mais la plantation de 50 arbres ne peut pas, par exemple, remplacer un vieux chêne de 100 ans, pointe Pascal Le Roux, représentant du GNSA dans le Finistère (l’association ne dispose pas d’antenne dans le 56, Ndlr). Ce n’est pas du tout la même masse foliaire. Et c’est pourtant par les feuilles que le CO2 est capté. Plus il y a de feuilles, plus le CO2 est absorbé. »
Aujourd’hui, l’ancienne prairie boisée a certes fait l’objet de plantations. Mais, pour le moins, « inadaptées » au biotope du parc des Ursulines. Comme avec l’acacia (espèce invasive) ou encore de l’aulne glutineux, essence très exigeante en eau, appréciant les bois humides, zones marécageuses ou bord de cours d’eau.
Quant aux arbres qui ont été épargnés par l’abattage, subsistent désormais essentiellement des frênes qui montrent, eux, des traces de chalarose, un champignon qui décime ces feuillus.
Autre donnée, dans cette histoire : le parc des Ursulines se situe, pile dans le périmètre d’un projet de déviation de la RD782 et RD790. Projet soutenu par Christian Faivret – qui traîne dans les tiroirs – et dans lequel 63 espèces protégées ont été répertoriées.
Car, particularité des lieux, le pays du Roi Morvan (territoire dans lequel se situe la commune du Faouët, Ndlr) est connu pour être particulièrement arboré. D’après l’Office national des forêts, alors que la Bretagne affiche un taux de boisement de 14 %, le périmètre de Roi Morvan Communauté atteint, lui, un taux de 24,2 %, selon l’Étude environnementale stratégique de la communauté de communes, datant de 2022.
Interrogé sur la procédure judiciaire en cours concernant les Ursulines, lors du conseil municipal du 27 septembre 2023, Christian Faivret répond : « Quelle procédure ? »
Lors du conseil municipal suivant (le 15 novembre 2023), changement de stratégie : le maire précise que l’affaire n’en est qu’au stade de l’enquête par les services de l’OFB.
Malgré tout, le premier magistrat a signé la déclaration de fin de chantier, le 14 février 2024, validant ainsi les travaux comme étant conformes au document d’aménagement. « Il ne respecte pas son propre permis d’aménager », constate Erwan Le Corre.
Dans ce ping-pong municipal, le maire sans étiquette du Faouët déclare que « des branches ont seulement été coupées pour des raisons de sécurité car les arbres étaient dangereux. » Selon lui, « la haie est toujours là ». Or, rien n’indique dans le permis d’aménager, une quelconque dangerosité des arbres.
Le service départemental de l’OFB fait savoir, de son côté, que « le procès-verbal des Ursulines a été transmis au parquet de Lorient, début juin ».
Sollicité, le parquet de Lorient n’a pu préciser à Splann ! si d’éventuelles poursuites judiciaires allaient être engagées.
L’histoire pourrait s’arrêter ici. Mais Christian Faivret n’en est pas à son seul fait d’armes. Un peu plus au sud de la commune, dans le quartier Pont Er Lann, un chantier – de particulier cette fois-ci – ne s’est, a priori, pas passé comme prévu.
Le maire a été alerté de la destruction effective de zones humides, par remblaiement, sur ce chantier de création d’une salle de réception pour les mariages. C’est le syndicat mixte Blavet Scorff Ellé-Isole-Laïta (SMBEIL) qui l’averti dans un courrier, envoyé le 21 octobre 2024, avec copie au procureur de la République de Lorient.
La présidente de la commission locale de l’eau du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) Laïta Danièle Kha, signale au maire que les zones humides sont protégées dès le premier mètre carré.
Elle rappelle également que le Sage n’a aucun pouvoir de police, contrairement au maire. Elle ajoute que l’OFB et Roi Morvan Communauté ont déjà interpellé le maire, à ce sujet.
Le courrier précise également que le permis de construire n’a pas été respecté car l’emprise des aménagements (le parking, Ndlr) est plus étendue que le projet initial. Renvoyant la balle, dans un premier temps, vers le service urbanisme de la communauté de communes , puis vers l’OFB, Christian Faivret déclare finalement, dans un courrier daté du 24 octobre 2024, s’engager à établir « une non-conformité des travaux », une fois ceux-ci achevés. Le chantier a pourtant bien été déclaré « achevé », le 28 février 2025, et aucune « non-conformité » n’a été signée.
A ce sujet, Christian Faivret déclare que : « Le chantier a été fait en bonne et due forme. » L’édile affirme à Splann ! « ne pas être obligé » d’user de son pouvoir de police quand une infraction lui est signalée. Les maires sont pourtant tenus par l’article 19 du code de procédure pénale d’informer sans délai le procureur de la République « des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance ».
Enfin, un autre chantier, là encore, non conforme au permis de construire initial semble, lui aussi, avoir bénéficié du silence de l’édile.
Rue de Lorient, un magasin Netto est sorti de terre, courant 2024. Avec, comme garantie, dans le permis déposé et validé par la mairie du Faouët, « de préserver la nature authentique et incontestable du lieu ». Ou encore « la haie située au sud-ouest le long de la D782, ainsi conservée, permettra de modérer l’impact visuel du nouveau bâtiment depuis l’espace public ».
Pourtant, des arbres ont – encore une fois – été arrachés et l’un d’entre eux a même ses racines aujourd’hui à nu. De nouveau, le maire n’a pas usé de son pouvoir de police. Agacé par les questions de Splann !, Christian Faivret a coupé court à l’interview. Préférant raccrocher, sèchement, le combiné.
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