Comme un moment de flottement qui a pris fin, ce mercredi à 11 h 16. Alors que la presse locale annonçait le retrait de la mise au vote d’une subvention de 20.000 € au profit des Z’Homnivores (lire notre article du 26 novembre), le groupe des Écologistes de Bretagne a douté jusqu’au bout. Jusqu’à aller faire un petit tour nocturne du côté du logiciel interne des élus de la Région.
Il est 19 h 51, mardi, quand Ouest-France annonce : « Subvention régionale aux Z’Homnivores : les Écologistes réagissent, la Bretagne revoit sa copie ». Une info, développée moins d’une heure plus tard, par Le Télégramme. La fin d’un court feuilleton, pense-t-on. Pas pour l’opposition écolo qui s’étonne publiquement, via ses réseaux : « Nous venons de vérifier en ligne dans l’espace des élus. La subvention figure toujours bien dans le programme 506. »
Si les services de l’assemblée viennent officiellement de siffler la fin de la récré, cet imbroglio aura donné quelques sueurs froides, au sein-même des rangs de la majorité. On en veut pour preuve ces échanges par SMS que Splann ! a pu consulter – et qui ont été, depuis, supprimés. Alors que les uns affirment que « la subvention figure bien au menu de la commission permanente », d’autres restent catégoriques. Comme cette élue qui dit en être « certaine [du retrait, ndlr] car les propositions de subventions ont été déposées et ils [Les Z’Homnivores, ndlr] n’y figurent pas. »
« On ne peut pas dire ‘‘affaire classée’’ et passer à autre chose »
On sait, depuis, que cette version est la bonne. On sait aussi que cette histoire laissera des traces dans le fonctionnement de l’institution. « À l’extérieur de notre groupe, il y a effectivement eu des alertes », reconnaît Delphine Alexandre. « Mais pas de nature à fragiliser nos discussions en interne », insiste la vice-présidente de Région, qui affirme même que cet épisode est « la preuve d’un fonctionnement sain et démocratique de notre institution ».
Quand on lui demande si c’est « sain et démocratique » de voir un puissant lobby mener ainsi la danse sur l’octroi d’argent public, Delphine Alexandre rejette en bloc cette idée d’une inversion du rapport de force. « Je pense que s’ils ont décidé de se retirer, c’est pour simplifier les discussions lors des votes de lundi prochain. »
Rémi Cristoforetti ne dit pas autre chose. Interrogé sur ce renoncement de dernière minute, le président des Z’Homnivores confirmait, hier soir, dans les colonnes du Télégramme que « cette décision s’était faite en bonne intelligence mais [que c’était] notre décision ».
De quoi estomaquer l’opposition. « Apprendre la nouvelle par voie de presse dit déjà beaucoup de la gouvernance actuelle de la majorité. Mais apprendre que l’initiative du rejet a été impulsée par Les Z’Homnivores et non par la Région, c’est donner le beau rôle à ce lobby. Après ça, on ne peut pas dire ‘‘affaire classée’’ et passer à autre chose. »
D’autant qu’un autre aspect de ce feuilleton pose question. La rapidité avec laquelle ce collectif d’acteurs majeurs de l’agroalimentaire a renoncé à ces 20.000 € d’argent public. « En mai dernier, on avait pourtant eu un cas similaire avec la subvention octroyée à Spotentiel (lire notre article du 5 mai 2024) se souvient un élu, sous le sceau de l’anonymat. Et cela n’avait fait réagir personne. »
« Cette fois-ci, poursuit notre source, je pense que la différence s’est faite sur le lien connu entre Les Z’Homnivores et leur note confidentielle qui attaquait clairement le journalisme d’investigation et nommément Nicolas Legendre (notre article du 17 juillet 2023) [prix Albert-Londres 2023 pour son livre Silence dans les champs, ndlr] et Inès Léraud [autrice de la BD Algues vertes, l’histoire interdite, ndlr]. »
Des éléments de langage que Rémi Cristoforetti « ne regrette pas ». Même si le président des Z’Homnivores a reconnu, toujours dans Le Télégramme, « des maladresses dans l’écriture ». Des éléments de langage que Delphine Alexandre tourne même à l’avantage de la Région. « Je redis que par nos prismes et partis politiques différents, nous restons une majorité à la fois plurielle et cohérente sur nos convictions. Je redis aussi qu’après avoir découvert cette note interne sur les travaux et la personne de Nicolas Legendre, je n’ai pas trouvé cela acceptable. » Et la vice-présidente d’enchaîner : « On peut respecter le journalisme d’investigation et ne pas être toujours d’accord avec ses conclusions. »
Un avis que l’opposition compte mettre publiquement en débat, lors de la commission permanente du lundi 2 décembre. « Si l’on attend toujours une justification claire de la Région sur les raisons de ce renoncement, on attend aussi de Loïg Chesnais-Girard qu’il respecte cette promesse, faite en mai 2020, de se désengager financièrement auprès d’acteurs économiques que la Région aide, dans le cas où ces derniers ne respecteraient pas les principes fondamentaux de la démocratie, parmi lesquels la liberté d’informer ».
Et de lancer, en guise d’ultime interrogation : « Et si Les Z’Homnivores ne s’étaient pas retirés d’eux-mêmes, le président aurait-il appuyé cette demande de subvention, sans autre forme de questionnements éthiques ? »
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