Yannick Moreau : itinéraire d’un proche de Philippe de Villiers, nommé à la tête de l’agence Tout commence en Finistère
Pierre-Yves Bulteau - 29 septembre 2025
« Splann ! » dresse un état des lieux de l’hôpital public en Bretagne : des cartographies exclusives et un long travail d’enquête permettent d’évaluer l’étendue des…
« Splann ! » dresse un bilan inédit et détaillé de l’artificialisation des sols sur les côtes bretonnes. Notre enquête révèle comment les bétonneuses passent parfois…
C’est un CV à la hauteur d’un quart de siècle de vie politique. Un CV où l’on retrouve des références qui pèsent, telles Bruno Retailleau et Philippe de Villiers. Pourtant, à tout juste 50 ans, Yannick Moreau a décidé de tourner la page. En annonçant, le 2 janvier, son intention de démissionner de son poste de maire des Sables-d’Olonne. Pour retourner « dans la vraie vie » et trouver « un vrai travail ».
Cette opportunité, le Vendéen n’a pas mis longtemps à la concrétiser. Quelques mois seulement après avoir déclaré, le 13 janvier, sur son compte Facebook, que « la politique n’est pas un métier », c’est auprès du très politique Maël de Calan que Yannick Moreau a su rebondir.
« Ayant appris qu’il souhaitait quitter la vie politique, tout en continuant à s’engager pour l’intérêt général, le Département a pris l’initiative de le contacter pour envisager une collaboration », confirme la collectivité à Splann !.
Bouclée en un temps record, cette reconversion professionnelle a vu l’ancien élu nommé directeur de Tout commence en Finistère, au cœur de l’été.
« Une chance pour le Finistère », s’enthousiasmaient même Maël de Calan et Jean-Marc Puchois dans un communiqué, publié le 18 juillet.
Cette « chance », les présidents LR du Département et de l’agence en question la doivent aussi, un peu, à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Depuis sa démission, l’institution interdit à Yannick Moreau d’exercer un métier en Vendée auprès d’entités avec lesquelles il a eu des liens professionnels, ces trois dernières années.
Cap donc sur le Finistère. Avec une arrivée qui s’inscrit dans le contexte particulier d’une agence dans la tourmente, depuis la publication, en janvier 2025, d’un rapport de la chambre régionale des comptes de Bretagne.
En quarante pages, la juridiction financière pointe « plusieurs irrégularités », dont le parrainage par l’établissement public du skipper Jean Le Cam, lors de la dernière édition du Vendée Globe, en 2024. Dans le viseur de l’institution ? « Un contrat de prestations de communication et d’animation, visant à valoriser l’image et l’attractivité du Finistère, et conclu avec une société propriété du navigateur. »
D’après les magistrats, « ce contrat n’a donné lieu à aucune publicité, ni mise en concurrence ». Des conclusions qui ont poussé l’association AC !! Anti-corruption à déposer une plainte auprès du parquet national financier.
Visiblement tranquille sur ce dossier, le Département répond que « la quasi-totalité des critiques formulées appartiennent au mandat précédent, et à l’exécutif socialiste qui conduisait les affaires jusqu’en 2021 ».
Également interrogé sur ce contexte, Yannick Moreau n’a pas répondu à nos sollicitations. Se retranchant derrière les éléments apportés par le Département.
Toujours est-il qu’avant de se fixer à Quimper, l’ancien maire se rendra une dernière fois aux Sables-d’Olonne, ce 29 septembre, où il passera la main à son premier adjoint. « Satisfait d’avoir donné le meilleur de [lui-même] pour les autres, au service des autres », comme il le confiait, le 21 juillet, au micro de l’institut Politicae.
Officine du projet Périclès (pour « patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes », Ndlr), Politicae est financé par Pierre-Edouard Stérin, milliardaire et exilé fiscal qui s’est donné pour mission « d’investir sa fortune pour le redressement de la France et la promotion du Christ ».
Invité du podcast « Heureux comme un maire », l’ancien élu vendéen revient donc en longueur sur son engagement municipal. Détaillant cette « posture d’entrepreneur public où l’on cherche à satisfaire soit l’intérêt général, soit le bien commun ».
Une distinction subtile qu’il faut comprendre à l’aune de cette précision de l’intéressé : « Le bien commun étant le nom chrétien de l’intérêt général. »
Le Bien commun, c’est aussi le nom d’un fonds. Créé en 2021, et financé par le même Stérin, son objectif est de « soutenir des projets alliant croissance économique et impact social ».
Une filiation, dans la droite ligne de cette autre figure réactionnaire tutélaire. Philippe de Villiers qui, très tôt, repère celui qui se destinait à devenir avocat d’affaires.
L’avenir politique de Yannick Moreau se joue en partie sur les bancs de cet autre institut : l’Institut catholique de Vendée. Pouponnière de la droite légitimiste française, la « fac Villiers » forme « des élites enracinées », selon son fondateur.
Après un DESS en droit des affaires, obtenu à Nantes, Yannick Moreau rejoint donc, une décennie durant, son mentor, à la tête du conseil général de la Vendée. D’abord chargé de mission sur les « problématiques du littoral », l’ancien pensionnaire du lycée jésuite Saint-François-Xavier de Vannes devient ensuite directeur des « projets Vendée Globe ». Poste qu’il quitte, dans le sillage de sa première élection, à l’âge de 32 ans.
Autre décennie, « autre combat ». « Le développement politique ambitieux de ce territoire » qui prend les traits, en 2019, de la commune nouvelle des Sables-d’Olonne. Une collectivité aux 51.000 habitants l’hiver et 250.000 l’été, dotée d’un budget annuel de 50 millions d’euros.
« Une petite parcelle de France », comme il l’aime à la nommer, où « les mouvements politique et d’entreprise » se rejoignent, au nom « d’une vision mesurée d’un territoire ».
Comme ces mouvements, cette vision est double. Avec, côté pile, une ville pionnière en matière de réutilisation des eaux usées à des fins potables ou de plans locaux contre la spéculation immobilière et le surtourisme.
Côté face, la cité balnéaire devient le théâtre d’une bataille idéologique et culturelle. Menée au nom de « la liberté d’opinion et d’expression […] des libertés fondamentales protégées par notre Constitution », elle voit notamment Yannick Moreau autoriser la projection du film Silenced, aux Sables-d’Olonne, le 2 mars 2025, en compagnie de l’ancien eurodéputé FN Bruno Gollnisch.
Réalisé par le Britannique Tommy Robinson, ce « documentaire », aux relents complotistes et islamophobes, est interdit en Angleterre. Condamné à de la prison ferme, pour incitation à la haine raciale et outrage au tribunal, Tommy Robinson se retrouve, dès sa sortie de détention, à la tête de la marche anti-immigration, organisée le 13 septembre dernier, à Londres.
Un climat de tension jugé suffisamment inquiétant par les maires de Saint-Brieuc, Lorient et Lannion qui décident d’en interdire la projection, via un arrêté pour « risques de troubles à l’ordre public ».
Interrogé sur ces prises de position, le Département objecte à Splann ! qu’il « ne s’intéresse pas aux convictions – de droite comme de gauche – de ses agents ». Et d’insister : « Monsieur Moreau a eu un engagement politique […] aujourd’hui, il est recruté comme agent public avec le devoir de neutralité qui doit prévaloir de la part d’une administration. »
Ne souhaitant pas s’exprimer, c’est dans l’alcôve du studio de l’institut Politicae qu’on peut entendre Yannick Moreau parler de « la vie politique […] cet accomplissement d’objectifs qui transcendent les clivages, les personnalités et les croyances mais qui s’inscrivent dans un ordre ».
Cet « ordre » qui verra le député de la 3e circonscription de la Vendée (élu en juin 2012, Ndlr) ferrailler auprès de Thierry Mariani contre le « mariage pour tous ». Avant de s’envoler, toujours en compagnie de celui qui est aujourd’hui eurodéputé RN, au moins par deux fois, dans la Syrie de Bachar al-Assad. En 2014, selon un décompte publié par Libération, puis en 2015, selon un entretien publié par Ouest-France.
Un dépassement « des clivages et des croyances » qui voit le maire d’alors qualifier « d’ayatollah de la laïcité » les opposants à l’édification d’une statue de l’archange Saint-Michel, aux Sables-d’Olonne. Un combat qui servira de décorum à la campagne présidentielle d’Éric Zemmour. Jusqu’à ce que, dans un avis rendu le 28 septembre 2023, le Conseil d’État n’ordonne à l’élu « le retrait de cette statue religieuse de l’espace public ».