À l’ombre des Safer, la guerre des champs
La Bretagne veut installer un millier d’agriculteurs par an, d’ici 2028. Aujourd’hui, un peu plus de 500 parviennent à lancer leur activité chaque année, tandis que d‘énormes fermes se dessinent au détour de complexes montages juridiques. Des exploitations de 1.000 hectares, parfois 1.400 hectares. Celles de plus de 200 hectares deviennent monnaie courante. En dix ans, leur nombre a doublé dans tous les départements bretons.
Certains veulent quelques hectares de plus pour cultiver du maïs, pour épandre le lisier de leurs bêtes, pour construire un méthaniseur, consolider l’entreprise, l’agrandir pour la transmettre à leur enfant. C’est sans compter l’appétit des villes qui utiliseraient bien une poignée d’hectares pour construire un quartier pavillonnaire ou un centre commercial. Chacun élabore sa stratégie pour parvenir à ses fins, quitte à flirter avec la légalité et utiliser la violence.
C’est un mouvement de fond, initié par le gouvernement français après-guerre, qui est à l’œuvre : concentrations et agrandissements au détriment de l’agriculture familiale. La France assure vouloir désormais inverser la vapeur en favorisant les installations. Pour y parvenir, elle compte s’appuyer sur ses deux arbitres. Les Safer régulent la vente des terres pour empêcher la spéculation foncière et favoriser le maintien des exploitations agricoles. La CDOA, commission départementale d’orientation de l’agriculture, octroie des autorisations d’exploiter aux agriculteurs. Mais des tactiques pour éviter le carton rouge existent.
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Des empires agricoles bâtis à l’abri des regards
La Safer, l’outil rouillé de la régulation foncière
Promis, juré, craché : la brutalité du marché foncier
Une relève agricole qui ne passe pas
Lire l’enquête en breton
Boîte noire
Au cours de notre enquête, nous nous sommes plongés dans des dizaines de documents, de rapports, et avons contacté des dizaines d’interlocuteurs et interlocutrices. Une part infime d’entre eux sont mentionnés dans les différents volets de l’enquête.
Les personnes qui témoignent dans cette enquête sont presque toutes anonymisées. Elles craignent de subir des pressions, des menaces ; contre elles-mêmes ou leurs proches. Parce que milieux agricole et rural sont imbriqués, les intimidations viennent jusque dans la cour de la ferme, au pas de la porte.
Nous avons également sollicité des chefs d’exploitation ayant recours au montage sociétaire. François Le Bihan, Dominique Kerdoncuff et la famille Nagat n’ont pas répondu à nos sollicitations. Nous avons également sollicité Quentin Sergent qui n’a pas donné suite. Nous avons contacté les services de l’État, préfecture, Draaf et DDTM, qui ont refusé de s’entretenir avec Splann !. Ils ont néanmoins répondu partiellement par écrit à une première série de questions.
Le conseil régional de Bretagne a également décliné un entretien avec Arnaud Lecuyer, vice-président en charge de l’agriculture, mais a rédigé de premiers éléments de réponse. Voici leurs réponses écrites.
Télécharger ici la réponse complète de la Draaf.
Télécharger ici la réponse complète de la DDTM des Côtes-d’Armor.
Télécharger ici les questions supplémentaires que nous aurions aimé poser à la Draaf et aux DDTM.
Télécharger ici la réponse complète du conseil régional de Bretagne.
Cette enquête aborde la politique régionale agricole, raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur les quatre départements de la région Bretagne et avons exclu la Loire-Atlantique. Intégrer ce département aurait signifié creuser et confronter la politique agricole des Pays de la Loire, en récupérer les données, identifier les points de comparaison pertinents pour apporter une analyse globale à cinq départements. Soit une charge de travail supplémentaire et un fort risque de dispersion que nous avons choisi de ne pas assumer.
Notre démarche, notre raison d’être
Face aux catastrophes écologiques qui obscurcissent la perspective d’un avenir désirable, nous croyons à un journalisme d’intervention qui contribue à l’amélioration des pratiques. Aux citoyennes et citoyens de se saisir de ces informations d’intérêt public pour demander des comptes à leurs représentant·es élu·es.
Cette enquête au long cours débutée en janvier 2023 a été réalisée par la journaliste Julie Lallouët-Geffroy. Merci à Raphaël Baldos pour avoir participé à la première phase de cette enquête. Elle a été coordonnée par Juliette Cabaço Roger et Anne Kiesel. Les dessins ont été réalisés par Jean Leveugle. Riwanon Kallag a traduit les textes vers le breton.
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